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sous-titres de journées longues
30 octobre 2015

dans la queue

 

 

Ainsi, j'allai m'acheter une énième bouteille de rhum au super-marché de ma ville, je connaissais bien sûr le lieu comme ma

poche, les rayons, les connaissances susceptibles de faire leurs provisions à 16h et demi un mercredi, les caissières...je n'espérais

d'ailleurs que deux choses: que la caisse de Bilyana ne soit pas embouteillée comme l'habitude me le laissait craindre et que cette

fois-ci, je pourrais rassembler le peu de tripes qu'il me reste afin de l'aborder, courtoisement, deux-trois phrases cohérentes et non 

lamentablement bégayés qui me permettraient de m'introduire en sa vie par la plus petite des portes certes, mais lorsqu'on a ma

timidité...Elle est ma beauté type, les yeux verts d'une finesse coquine, elle doit faire ma taille sur talons, n'est ni maigrichonne

ni même dodue, et ses lèvres dès que mon regard les croise lui susurrent ''baise-moi, que je ne puisse te dire d'arrêter''.

Elle est un phantasme authentique, l'emprise des femmes en une, celle qui m'empêche de cogiter rationnellement. je la vis, plus attirante que

la veille, il y avait deux caddies à sa caisse lorsque j'entrai dans le magasin. je devais faire vite, ai foncé au rayon sec d'un pas

pressé, ai déniché l'une des deux Old Nick restantes, puis le nectar approprié au rayon voisin -orange-pêche-abricot, le hasard ferait

bien les choses- et ai finalement acheté un verre ''English tea'' afin de boire dans un verre attitré, que je n'aurai pas à laver avant le

retour de ma mère -qui a un odorat stupéfiant et sait précisément le nombre de verres que nous avons. j'ai donc torché ces courses à

grande vitesse, sûrement en moins d'1mn 20, et ai foncé aux caisses en rassemblant par avance mon courage essoufflé pour découvrir,

dépité, que la queue allait jusqu'à l'entrée du rayon cosmétique dorénavant. Cela m'assurait 20 minutes de poirotage inutile, et a

bazardé mon courage aux oubliettes. Fiacre, j'ai tracé jusqu'à une file ne me promettant plus de dix minutes d'attente stérile, où

l'hôtesse de caisse avoisinait les cinquante ans, avait un strabisme autoritaire, les joues pendantes jusqu'au double menton et me

demandait, même après 7 ans de fidélité au poste, ma carte d'identité lorsque je me réapprovisionnais. L'amour est aveugle, elle

avait une alliance ainsi que six autres bagues aussi visibles qu'autant de lampadaires par nuit brumeuse sur ses doigts rainurés. Un

couple de vieillards me devance d'un caddy débordant de toutes part dans la queue, le bonhomme sent fort l'aftershave de vieux et

sa dame empeste le parfum bon marché de vieille. Tous les clichés y passent: les trois sacs de 5 kg d'aliments pour chien, les deux

packs d'eau minérale, les boites de cassoulet tous prêts, le morceau de courge pré-coupé, les six poireaux, les paquets de mouchoirs, de

papiers hygiéniques (à quoi bon?), les lames de rasoir de monsieur (à moins que...), les sacs à aspirateur de madame...nous frôlions

les cent cinquante euros de course (j'ai même oublié le cubitainer de rouge et le litron de suze). je n'avais que ma pauvre bouteille

de rhum passable, le lubrifiant et une tasse en pyrex, l'idée de me préserver de trois minutes de patience inutile n'a pas même du

traverser leur caboches usées, fatiguées par l'émotion d'être encore apte pour faire subir cela au monde qui n'a pas cette chance-là. je

commençai à me mordre la langue tout en fixant le loin lorsqu'ils entamèrent avec l'hideuse caissière une discussion des plus cruciales sur  

le froid de ces derniers temps, et c'est alors que je la vis.

Minaudant comme une Dita Von Teese en plein rut, sapée telle une adulescente japonaise sortie de chez Jennyfer ayant parié une

décapotable avec ses amies qu'elle coucherait avec dix mâles avant le coucher du soleil, celle que je connaissais sous le nom de Séréna

passait à une caisse automatique avec du coca de sous-marque et une boite de trois préservatifs. Elle le faisait sans stress, n'avait pas

l'air pressé du tout, le timing risquait d'être parfait.

« -23 ans et non, je ne suis pas fidèle. »

Elle ne m'a toujours pas vu, ou reconnu, ou eu l'envie de me reconnaître, j'ai fortement murmuré un Séréna non officiel, tenté un

autre plus formel, sa moue boudeuse jeta un coup d'œil par dessus son épaule plus ou moins nue et tout son corps se retourna en un

seul mouvement pour me faire face:

« -Tiens, je crois qu'on se connaît...

-Mais oui, Sylvain! Tu ne m'ignores plus?

-je le saurais si je t'avais ignoré.

-C'est arrivé plus d'une fois, je vois que t'as pas perdu la main...

je n'avais pas même rangé le vieux Nic dans mon sac

-On dirait que toi non plus... tu deviens quoi?

-Oh tu sais, pas grand' chose...(sa réponse pré-mâchée me lourde les écoutilles)

Et toi? Les études, le travail...

-Rien de tous ça, t'as le temps de t'en jeter un p'tit? C'est pas trop le lieu de retrouvailles...

-Avec plaisir, t'es jamais venu chez moi? »

(comment pourrais-je bécasse, on ne s'était pas parlé depuis au bas mot cinq ans)

Elle habitait littéralement à trois minutes de mon lieu de vie du moment, c'est à dire de chez ma mère. Nous n'avons quasiment

pipé mot durant les sept minutes de trajet afin de préserver notre souffle de pompeurs invétérés, et nous arrivâmes à son immeuble

et j'ignorais toujours son prénom, elle me fit entrer

« -Pardon pour le bordel, je n'avais pas bougé de chez moi depuis la rupture.

Merde, il me faudrait être plus attentif. Des peluches d'un ou deux Disney dont je tairai le nom (car je les ai littéralement zappé) jonchent le lino

poussiéreux aux côtés de cadavres de Malibu coco, de restes de photographies d'un temps passé et de revues de femme-enfant démodables froissées,

en un mot oui, ''pardon pour le bordel'' n'est pas toujours qu'une expression de politesse prétendue maniaque.

-T'inquiètes, tant qu'il te reste deux verres quasiment propres ce n'est pas tout à fait le bordel. »

Ainsi ai-je servi deux doses respectables de martiniquais sans les noyer dans le nectar, lui ai tendu le moins chargé et me suis illico

roulé une tige. Elle sortit deux sèches de son paquet et m'en tendit une juste avant l'allumage, c'est assez rare pour être écrit. Ne

sachant trop comment lancer une discussion

« -Et dire que tu étais une fille sage...

-j'avais quinze ans tu sais, j'ai commencé la fume dans la foulée.

-Et le Malibu?

-C'est le seul alcool que je peux boire seule sans en être malade,

une fois j'ai tenté 1L de sky (après une rupture) et me suis réveillée dans ma propre gerbe, je n'en avais pas tombé la moitié.

-Tu bois pour oublier?

-C'est moi qui l'avait largué, il m'avait cogné comme un sac de de patates et m'a foutu sa tentative de suicide sur le dos.

-Entre martyr et lâche, ce n'est qu'un point de vue. Et ta dernière rupture?

-Euh, parlons d'autre chose, toi tu bois pour quoi?

-S'il n'était qu'une raison valable, il serait facile de ne pas le faire.

 Je torche pour célébrer, regretter, tuer le temps et le savourer, broyer le cafard et sans doute le nourrir. Sûr que je préfèrerais

autre chose à la place, mais en gros je suis un lâche martyr. »

 Elle m'a fixé cinq bonnes secondes, puis a siroté son mélange silencieusement. J'ai achevé le mien et me suis grillé ma roulé,

avant de me resservir un rhum plus corsé que le précédent. Elle avait agréablement mûri, moins femme fatale qu'enfant aux

charmes légaux désormais, dont on attend les caprices afin d'y accéder. Bas méticuleusement déchirés, jupe à mi-cuisses, haut de

la même matière que ses bas, pourpre automnale, surmonté d'un débardeur écossais noir et rouge pur, son teint très mat est marqué

par un acné plutôt virulent, ce qui n'ôte pas grand' chose à sa beauté excessivement sexuelle. je pus noter cela les grammes

aidant et ses pulpeuses aspirant délicatement son verre, tant que j'en vins à mon troisième mélange lorsqu'elle acheva son premier

pour me tendre mutinement son verre vide.

« -J'aimerais pas faire ta descente à vélo!

-moi non plus, c'est plutôt un faux-plat qu'une descente. Tu vis seule ici ou c'est chez ta maman?

-Disons que c'est mon chez moi grâce à son héritage, plus quelques extras. J'imagine que pour une fille unique, l'argent n'est pas trop un souci.

-Excuse. Tu as sans doute raison, plus que pour un fils unique dont la mère galère encore dans un hôpital public je suppose. Quelles

sortes d'extras?

-C'est un peu délicat, on se connaît à peine. Disons que c'est précaire et lucratif à la fois.

-D'accord. »

je me suis immédiatement figuré qu'elle n'était pas femme de ménage, ou alors qu'il s'agissait d'un ménage bien particulier.

Mon esprit se mit à papillonner vers le quatrième mélange, je ne peux généralement plus les compter dans ces environs, les inhibitions fondent tel du

goudron frais au mois d'août et les incohérences se mélangent avec mes pensées sensées dans un terrifiant besoin de tout laisser sortir.

« -je crois que nous avons au moins un truc en commun, c'est la réputation qu'on nous a foutu sur le dos au lycée.

-De quelles réputations tu parles, m'a-t-elle demandé sans me cacher qu'elle connaissait déjà la réponse?

-Et bien, celle de nymphomane insensible dans ton cas, et d'éponge infidèle pour moi...je n'ai jamais été dupe et ne me suis jamais

enfermé dans les stéréotypes non plus.

-Alors c'est pour ça que tu t'es décidé à me reparler...

-Non, je t'ai dit que je me branlais des ouï-dire, et j'aurais cherché à te recontacter avant...non, je veux dire que l'on n'a ni l'un ni

l'autre été épargné par ces fientes de ragoteurs diarrhéiques. Comment toi tu l'as vécu?

-Tu sais, j'imagine que toute rumeur a sa base de réalité, ce n'est que de l'extrapolation ensuite, les jaloux, les frustrés...je suis sûr

que se sont surtout des filles qui ont diffusé ces ragots. On peut ne pas l'assumer ou être tout ce que l'on colporte, mais on ne peut pas

lutter contre cette pollution-ci.

-Plutôt d'accord, il suffit d'être bourré une fois publiquement pour devenir un poivrot, et de coucher une fois avec un... contrarié pour

incarner une salope auprès de ses fréquentations. Mais admet que cela déteint sur nos relations futures...

-C'est sûr, soit on joue avec, soit on se bat contre, mais ça devient un fait, avéré ou non. Moi j'ai choisi...de ne pas m'en faire. »

Très concentré sur son aveu sous-entendu, je me suis alors servi un martiniquais pur avec nuage de nectar pour la forme, ai grimacé

honteusement à la première lampée, ce qui la fit rire, plutôt glousser nerveusement. Elle s'est enfilée la malheureuse goulée qui

gisait au fond de son verre pour me le retendre accompagné d'un rictus des moins ambigu. Ainsi je me suis lancé

« -je n'ai jamais pensé que tu étais une pute, cela m'est...toujours passé au dessus, ce genre de considérations. Tu crois que je ne suis

qu'un vulgaire soulaud dénué de sentiments?

j'ai passé ma jambe droite sur la gauche afin de la rapprocher le plus possible de la sienne sans que cela paraisse louche, elle n'a

pas eu l'air de s'en soucier. j'ai légèrement dosé son cocktail.

-Soulaud sans doute, pour les sentiments tu m'as ignoré durant plus de cinq ans, alors j'imagine que tu avais d'autres cœurs à briser. Je

ne fais jamais que constater les on-dit.

-j'ignorais que le cœur des salopes pouvait être brisé, et j'insiste sur le fait que je ne t'ai jamais évité, sciemment. Juste une précision:

tu as choisis de ne pas t'en faire, ou de ne pas t'en défaire? »

 

Le sourire et surtout le regard gourmand qu'elle m'a jeté n'avaient plus rien d'équivoques, et tandis que j'approchais ma jambe et, plus

généralement, mon corps entier centimètre par centimètre du sien, laborieusement depuis une bonne vingtaine de minutes, elle prit

mon visage de sa main gauche et m'embrassa goulument à cet instant précis. Sa chaude langue contrôla la mienne tel un agile et

expérimenté ventriloque durant une trop courte douzaine de secondes, avant de me smacker deux fois et de me loucher comme

une proie dont l'agonie ne faisait que commencer. je l'ai moi-même tendrement fixé quelques instants, un tel baiser était digne de ceux

que l'on se fait sur le quai d'embarquement, de toujours trop courtes secondes avant que sa moitié ne parte pour de toujours trop longues

semaines, et que l'on craint déjà que ce soit l'ultime. Nous avons pris en chœur notre godet respectif et en avons bu une lente rasade.

« -... »

Il n'y eut, en fait, rien à dire. Mon érection dépassait le cadre de la discrétion, et son regard luisant et ses mordillements de lèvres successifs

me laissaient penser que je n'étais pas le seul émoustillé de l'appartement. Vu que je suis définitivement (con)tre le sexe à la

sauvage, j'ai décidé de pousser un peu le vice

« -je n'ai pas senti de réponse en ce doux baiser arhumatisé...

-J'ai eu la mienne: certains pochtrons savent mieux embrasser que ceux qui les conchient. Si tu as une petite amie, je serais 

définitivement fixé...

-Toutes les prétendues folles du cul ne savent baiser comme...toi, je suppose que tu n'en es pas une, mais qu'on t'ai collé cette image

sur la...sur ton minois parce que tu es charmante, sans complexe et que tu as plus de succès que tes...feues amies?

Elle m'a alors embrassé comme pour me fermer la gueule.

-Mes...feues amies? n'ont pas compris certains de mes choix, même les plus réfléchis. J'aime le sexe, oui, plus qu'autre chose, et mon

''succès'', oui, m'a poussé à faire...des choses que peut-être même toi ne comprendrais pas, elle marque une pause pour boire la plus

grosse lampée que je n'ai jamais vu (de sa part). Écoute, je crois que tu l'as compris, je me fais payer...pour certains services, MAIS

NE VAS PAS CROIRE... »

je n'ai pas écouté son monologue, je m'en fichais, le savais, n'avais jamais eu l'envie de me mettre en couple avec elle, elle non plus

 j'imagine, mais maintenant qu'on en était là, je l'ai très lentement baisé, sorte de câlin protecteur pour la rassurer, lui assurer que

tout allait bien, que je comprenais aisément ce qui l'a poussé à devenir une ''professionnelle'', ce qui bien sûr était vrai (et l'est

toujours). Une fois l'étreinte achevée par deux nouveaux smacks, je me suis le plus posément possible resservi un énième rhum-

orange-pêche-abricot avant d'en boire une énième gorgée. Elle me sembla plus vulnérable que fragile, je me suis figuré une dizaine

de ces innommables pourceaux en train de la violer basiquement sur son propre canapé miteux, l'un après l'autre, juste parce qu'elle

n'a plus la force physique ou morale de leur dire d'aller foutre ailleurs, et ceci m'a fichu une nausée des plus irrépressibles. je la

voyais vaincue, à l'abandon sous leurs assauts de mâles-addict à l'éjaculation. je me suis excusé, l'ai embrassé patiemment et me

suis subtilement rué jusqu'à ses vécés, où j'ai le moins bruyamment possible rendu un gros litre de rhum orangé en trois flaques bien

distinctes. La douce mais imposante odeur des îles s'est bien vite emparée des toilettes et, je le redoutais, de son trois-pièces. j'ai

sonné la chasse, usé du balai à chiottes afin de précipiter les morceaux récalcitrants dans la mare, essuyé les larmes qui commençaient

à sécher le long de mes joues et respiré un profond coup avant de me diriger vers ce qu'il est bon d'appeler son salon

« -Tu as bien mis du temps...

-Disons que j'avais des choses à sortir à dame-pipi.

-Te fous pas de ma putain de gueule, je t'ai fait gerber c'est ça?

-Écoute, j'ai bu pas mal de rhum en fait, y'a eu le trop plein et j'ai dû évacuer...

-C'est ça ouais, je t'ai fait gerber! Et c'est tout...

-Pourquoi tu le prends comme ça? je bois et parfois je vomis

-Ta gueule!! J'te file la gerbe et comment tu veux que j'le prenne?

-Ne me parle pas comme ça, c'est pas toi c'est le rhum, ok?

-C'est l'alcool qui t'as fait m'embrasser?!

-Mais bien sûr que..

-Dégage! Tu dégages de chez moi et maintenant!!

-D'accord. Les baisers, tu me les fait à créd'?

-... »

je l'ai, pour la première fois, volontairement ignoré, pourrais même préciser que je l'ai fait sourire aux lèvres. Nous étions tout deux

 complétement cuits, il m'était impossible de lui rendre raison de toute façon, alors je m'en suis allé, vieux Nic sous le bras, tout

comme aurait fuit un philippin devant le tsunami, impuissant face à des éléments le dominant de la tête et de la queue. je ne pus que

regretter ces douces et plus que chaleureuses étreintes, déplorer son comportement induit par la méfiance et surtout la peur, celle

d'un énième monstre douloureux et bien trop conscient de cette supériorité imposée (comme l'est une figure en certaines épreuves

de patinage artistique). je ne m'en veux pas d'avoir refusé de coucher avec elle, ni de l'avoir poussé dans les retranchements de

sa pudeur, je ne regrette décidément qu'un seul et misérable détail:

comment s'appelle-t-elle?           

 

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Commentaires
sous-titres de journées longues
  • la vie revient à jouer à saute-barbelés dénudé juste après avoir éjaculé, mon verbe est dérision et chaque avis, dérisoire; merci d'être passé, paraphrasant la camarde de son tabouret au pub.
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